dimanche 6 mars 2016

Bartleby et compagnie, Enrique Vila-Matas









Auteur : Enrique Vila-Matas
Titre VO : Bartleby y compañias
Editions : Christian Bourgois
Genre : Contemporain
Pagination : 219 pages
Prix : 6€
ISBN : 9782267020434


Synopsis :

Vingt-cinq ans après avoir écrit un roman d'amour, un commis aux écritures revient sur ce traumatisme ancien et démarre une sorte de journal, à la recherche de ces innombrables écrivains négatifs qui emplissent de leur assourdissant silence l'histoire de l'écriture. Livres inachevés ou inachevables, échecs éditoriaux, succès posthumes, auteurs d'un seul livre, confessions tardives d'une vocation inaboutie, maniaques du pseudonyme, incapables majeurs, désespérés a priori, partisans de la brièveté humaine jusqu'à choisir la vie contre les lettres ou jusqu'à se l'ôter par dépit, militants de l'ineffable ou nègres consentants, tous ces petits-cousins de Bartleby forment une constellation d'où à n'en pas douter, sont sortis les meilleurs, quand ils n'y sont pas tout simplement restés.


Ressenti :

                Encore un livre très « littéraire » issu de mes cours. Ce recueil de note/journal d’Enrique Vila-Matas nous parle d’écriture. Ou plutôt, il parle de non-écriture. Aperçu d’un texte qui part à la recherche des textes potentiels. 

                Ce livre n’est pas un récit narratif. S’il commence par une narration, c’est simplement pour planter le décor, pour nous présenter l’origine (fictive… ou pas) de la réflexion dont il est question ici. Très vite, on abandonne le récit pour entrer dans les notes de bas de page. Du moins c’est l’aspect que prend le texte. On constate très vite que seule la numérotation et peut-être la dimension réduite de ces éléments textuels nous raccrochent à la dite « note de bas de page ». En réalité, c’est un journal. Le journal d’une quête dans laquelle on se lance à la suite du « narrateur » (à défaut d’un autre terme, puisqu’il ne s’agit pas de narration). On  enquête sur les écrivains de la Négation. Il s’agit ici des écrivains qui, pour une raison ou une autre, ont décidé d’arrêter d’écrire ou qui n’ont même jamais commencé à le faire, laissant leur œuvre dans l’immensité des textes potentiels. Au fil d’un travail de recherche qui peut sembler chaotique, mais pourtant très rigoureux, on en apprend plus sur ces auteurs, sur les raisons qui les poussent à devenir des négativistes et sur la littérature plus largement.

                Ce livre n’est pas une fiction, c’est un travail de recherche qui ne répond pas aux caractéristiques formelles d’un travail universitaire. Aussi, je doute de l’intérêt que trouverait un lecteur amateur (sans aucune intention péjorative de ma part dans ce terme) pour cette lecture. Cela dit, l’écrivain en herbe pourrait y trouver un certain réconfort en constatant qu’il est loin d’être le seul à procrastiner, remettant de jour en jour le travail fastidieux qui l’attend avant la publication. C’est du moins, l’un des attraits que j’ai pu constater dans ce livre par ailleurs très lisible si l’on a la patience d’étudier les nombreux intertextes dont il est question. 

                Comme je l’ai dit au début, c’est un livre très « littéraire ». Je l’ai personnellement beaucoup apprécié parce qu’il s’inscrit dans mes réflexions personnelles, mais il n’aura probablement pas la même réception chez quelqu’un qui ne s’intéresse pas à la chose littéraire.

dimanche 28 février 2016

Trois contes, Gustave Flaubert









Auteur : Gustave Flaubert
Titre VO : Trois contes
Editions : Larousse
Genre : Conte, Classique
Pagination : 256 pages
Prix : 3,50 €
ISBN : 9782035842770


Synopsis :

Félicité a été engagée comme servante chez Mme Aubain, à Pont-l'Évêque, après une histoire d’amour malheureuse. Elle s'attache tour à tour aux enfants de la famille, Paul et Virginie, à son propre neveu, Victor, à un perroquet domestique, Loulou, mais les perd tous, qui par un départ pour le collège, qui par une navigation au long cours..., et finalement par une mort prématurée. Lorsque Mme Aubain disparaît elle aussi, la vieille et sourde Félicité est épuisée par ses dévouements successifs, dont il ne lui reste rien. Alors que la procession de la Fête-Dieu fait halte devant le reposoir placé dans la cour de Mme Aubain, Félicité agonise, en plein délire mystique.

Lorsque naît Julien, dans un château tranquille, deux sages lui prédisent un double destin : il sera empereur, prédit l'un ; il sera un saint, prédit l'autre. Enfant, il est d’une grande cruauté. S'étant enfui pour échapper à la prophétie d'un cerf (dont il a sauvagement tué la biche et le faon) qui lui jure qu’il tuera père et mère, il connaît une vie d’aventures et épouse la fille d’un empereur. Ayant transpercé deux formes suspectes allongées dans le lit de son épouse, il découvre, horrifié, qu'il vient d'assassiner ses propres parents. Il devient mendiant, puis ermite. Un lépreux recueilli l'étreint, et Julien connaît une apothéose qui l’emporte jusque devant Jésus, au paradis.

Reprise d'un épisode du Nouveau Testament, l'histoire se déroule sur une seule journée, avec pour cadre une citadelle, au bord de la mer Morte, du tétrarque (gouverneur) de Palestine, Hérode Antipas. Hérode tient prisonnier Iaokanann (Jean-Baptiste). Or celui-ci condamne publiquement son union incestueuse et motivée par le pouvoir et l'intérêt, avec sa nièce Hérodias. Lors du festin donné pour l'anniversaire d'Hérode, la danse de Salomé, fille du premier mariage d'Hérodias, ensorcelle le tétrarque, qui lui promet tout ce qu’elle voudra. Elle réclame et obtient la tête de Iaokanann.


Ressenti :

                Gustave Flaubert, c’est un mythe chez les écrivains. C’est la figure par excellence de l’écrivain besogneux qui passe sa vie à manipuler les mots, retoucher ses textes sans arrêt pour tutoyer la perfection. C’est l’écrivain qui ne laisse rien au hasard. C’est un monstre de travail. Ce recueil de trois contes en est l’exemple même, puisqu’il a mis trente ans à l’écrire. 

                Je ne vais pas entrer dans le détail de chacune de ces histoires, le synopsis est assez éloquent à ce sujet. Je me concentrerai sur mon ressenti de lecteur. 

                Premièrement, « Un cœur simple ». Avec ce titre et un synopsis peu enthousiasmant à mon goût, je ne partais pas avec les meilleures dispositions à l’égard de ce conte. Une histoire de vie ordinaire, non merci. J’avais déjà donné avec « Madame Bovary » du même Flaubert. Il y a d’ailleurs une parenté manifeste entre les deux œuvres. Pourtant, j’ai trouvé du plaisir à lire les (més)aventures de Félicité. Peut-être parce que le format conte apporte une concision que je juge profitable au travail de Flaubert. Peut-être parce que chaque mot est à soulever pour trouver les multiples sens qu’il cache. Quoiqu’il en soit, ce texte m’a paru beaucoup plus digeste que son frère romancé. 

                « La légende de Saint Julien l’Hospitalier » m’a d’emblée paru beaucoup plus attractif. Un décor moyenâgeux, une histoire de chevalier et une espèce de magie qui imprègne l’ensemble. L’intrigue est plaisante, il y a de l’action. Mais ce n’est pas tout. Julien nous apporte une magnifique réflexion sur les conséquences de nos actes et sur la morale en général. Flaubert use encore dans ce récit de son incroyable opiniâtreté pour trouver chaque fois le mot juste, celui qui décrit l’action sans en rajouter ni en oublier. Un très beau conte. 

                « Hérodias » est le texte qui m’a le moins convaincu. Parce qu’il revisite un épisode de la Bible, en apportant peu de nouveauté – du moins lors d’une lecture innocente – ou d’intérêt supplémentaire. Je suis convaincu que, comme pour les deux autres récits, on peut trouver des sens cachés dans chaque parcelle de l’histoire. Mais je n’ai pas accroché. 

                Au final, ce recueil est un admirable travail d’orfèvre que nous offre Flaubert. La puissance de son écriture concentrée dans ces trois contes, qui constituent l’ultime production « romanesque » de l’auteur, captivera encore nombre de lecteurs, j’en suis sûr. C’est en tout cas l’effet qu’ont produit ces textes sur moi.

dimanche 21 février 2016

Le liseur, Bernhard Schlink





Auteur : Bernhard Schlink
Titre VO : Der vorleser
Editions : Gallimard
Genre : Contemporain, Drame
Pagination : 243 pages
Prix : 7,40€
ISBN : 9782070404582


 Synopsis :

A quinze ans, Michaël fait par hasard la connaissance, en rentrant du lycée, d'une femme de trente-cinq ans dont il devient l'amant. Pendant six mois, il la rejoint chez elle tous les jours, et l'un de leurs rites consiste à ce qu'il lui fasse la lecture à haute voix. Cette Hanna reste mystérieuse et imprévisible, elle disparaît du jour au lendemain. Sept ans plus tard, Michaël assiste, dans le cadre de des études de droit, au procès de cinq criminelles et reconnaît Hanna parmi elles. Accablée par ses coaccusées, elle se défend mal et est condamnée à la détention à perpétuité. Mais, sans lui parler, Michaël comprend soudain l'insoupçonnable secret qui, sans innocenter cette femme, éclaire sa destinée, et aussi cet étrange premier amour dont il ne se remettra jamais. Il la revoit une fois, bien des années plus tard. Il se met alors, pour comprendre, à écrire leur histoire, et son histoire à lui, dont il dit : "Comment pourrait-ce être un réconfort, que mon amour pour Hanna soit en quelque sorte le destin de ma génération que j'aurais moins bien su camoufler que les autres ?


Ressenti :

                J’ai découvert ce livre dans le cadre de mon cours « Littérature et psychanalyse ». Évidemment, l’étude qu’on en a faite découle directement de cette approche particulière de la littérature. Néanmoins, je ne m’étendrai pas dessus dans cette chronique puisque j’ai toujours voulu que ce blog soit une incitation à la lecture « innocente ». Et ce livre propose une histoire tout à fait intéressante de ce point de vue. 

                Nous suivons donc l’histoire de Michaël, jeune homme de quinze ans dans l’Allemagne d’après-guerre. Sa rencontre avec Hanna bouleverse sa vie, bien au-delà de son apprentissage de la sexualité avec elle. Leur relation, avec ses tensions et ses allégresses, le conduira à s’interroger sur l’héritage de la guerre et sur la responsabilité des allemands vis-à-vis des camps. En rupture avec ses contemporains, Michaël refuse de placer tous les acteurs du génocide et des horreurs dans le même panier. L’énigmatique Hanna y joue un rôle capital. En voulant démêler sa relation avec elle, en voulant raconter leur histoire, il découvre qu’il parle d’un malaise bien plus vaste que sa propre conscience. 

                Avec une Hanna autoritaire et charismatique qui donne la réplique à un Michaël parfois un peu trop mou, l’auteur nous offre deux personnages à l’histoire complexe mais touchante, qui n’est finalement qu’un prétexte pour éclairer le problématique héritage allemand. 

                Une lecture touchante et plutôt fluide. Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas souhaité m’étendre sur l’approche psychanalytique de l’œuvre, qui concernait notamment le « sujet écrivain » pour que ma chronique reste « innocente ». Mais je suis évidemment ouvert à toute discussion si on m’en fait la demande.  

dimanche 14 février 2016

La maladie de la mort, Marguerite Duras





Auteur : Marguerite Duras
Titre VO : La maladie de la mort
Editions : Les Éditions de Minuit
Genre : Drame, Contemporain
Pagination : 60 pages
Prix : 7€


Synopsis :

Un homme paye une femme pour que, pendant plusieurs jours, elle s’allonge nue dans un lit, dans une chambre face à la mer noire et se soumette. Il essayera d’aimer. Elle le fait, il la regarde dormir, la touchera, dormira et pleurera contre elle. Puis elle lui pose des questions auxquelles il ne répond que brièvement. Elle lui dit qu’il est atteint de la maladie de la mort, qu’elle l’avait reconnue dès le début. Au bout de plusieurs nuits, il pleure sur lui-même et elle parvient à lui faire dire que c’est parce qu’il n’aime pas. Elle lui dit de ne plus pleurer sur lui-même. Peu à peu, elle prend le contrôle, mais sans paraître le vouloir, comme s'il lui laissait peu à peu le contrôle. Puis, un jour, elle ne revient plus et ne reviendra jamais.


Ressenti :

Un très court roman pour une découverte étonnante de l’écriture de Marguerite Duras. Je ne l’avais jamais lue mais son nom résonne depuis toujours comme celui d’une grande écrivaine. A petit roman, petite chronique, bien que le contenu soit d’une profondeur vertigineuse. 

Le synopsis, vous l’avez juste au-dessus. Pas grand-chose à rajouter. L’essentiel est ailleurs. Parce que l’écriture de Duras est ailleurs. Si je m’étais contenté de lire ce livre sans approche critique spécifique, je serais sans doute passé à côté sans rien y comprendre. Mais on m’en a proposé l’étude sous l’angle psychanalytique et ma vision a changé sans commune mesure. Car l’écriture de Duras est ainsi – bien qu’elle le fasse par instinct, sans même savoir comment on nomme ce qu’elle fait – elle est gonflée de sens cachés, d’introspection, de réflexion psychanalytique. C’est de cette manière qu’un simple livre de soixante pages se transforme en un océan sémantique où chaque virgule est un caillou qu’il faut soulever pour trouver un trésor. En quelques pages, on a un aperçu de la prodigieuse puissance d’une plume. 

Comme je l’ai mentionné plus haut, mon expérience de lecture aurait été bien plus pauvre si je n’avais pas été orienté et informé amplement quant au potentiel de ce livre. Je n’ai pas la prétention de donner un cours sur la lecture psychanalytique de l’œuvre de Duras, et ce n’est de toute façon pas le lieu, mais j’insiste fortement sur la nécessité d’une lecture attentive et entre les lignes pour tenter de tirer le maximum de ce texte. Ce n’est pas un livre très intéressant si l’on se contente d’une lecture passive. 

Ceci dit, j’ai passé un excellent moment en étudiant (puisque c’est vraiment le terme qui convient le mieux) cette œuvre. Pour public averti, mais d’une qualité rare !

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