Synopsis :
Bienvenue au
Centre d’Incubation et de Conditionnement de Londres-Central. A gauche, les
couveuses où l’homme moderne, artificiellement fécondé, attend de rejoindre une
société parfaite. A droite : la salle de conditionnement où chaque enfant subit
les stimuli qui plus tard feront son bonheur. Tel foetus sera Alpha -l’élite-,
tel autre Epsilon -la caste inférieure. Miracle technologique : ici commence un
monde parfait, biologiquement programmé pour la stabilité éternelle…
La visite est
à peine terminée que déjà certains ricanent. Se pourrait-il qu’avant
l’avènement de l’Etat Mondial, l’être humain ait été issu d’un père et d’une
mère ? Incroyable, dégoûtant… mais vrai. Dans une réserve du Nouveau Mexique,
un homme sauvage a échappé au programme. Bientôt, il devra choisir : intégrer
cette nouvelle condition humaine ou persister dans sa démence…
Ressenti :
J’avais ciblé
ce roman depuis un moment. C’est un grand classique de la science-fiction. C’est
un classique tout court et le synopsis me plaisait. Mon cours de
science-fiction a achevé de me convaincre puisque l’œuvre fait partie de la
bibliographie et à fortiori parce que c’est une lecture obligatoire pour la
session.
Me voici donc
embarqué dans l’univers du meilleur des mondes. Pour ceux qui ne connaissent
pas l’historique de l’œuvre, il faut savoir que c’est un roman qui a été écrit
en 1931. Il dépeint le monde qui pourrait être le nôtre dans les années 2500.
Je reviendrai dessus par la suite.
En l’an 632 de
Notre Ford, les humains naissent dans
des éprouvettes et sont conditionnés en fonction de la fonction qu’ils sont
appelés à occuper dans la société. Celle-ci est divisée en castes : des
alphas au plus grand potentiel physique et mental, jusqu’aux epsilons insignifiants
et difformes. Leur conditionnement est tel qu’ils agissent par reflexe dans
toutes les situations. Seuls les alphas et bêtas ont un semblant de
libre-arbitre lorsqu’ils travaillent. Mais dès qu’ils quittent leur poste et
vont se divertir, ils sont de nouveau soumis à un conditionnement sans faille
qui les infantilise. Tout est prévu pour faire fonctionner la société. Chaque
activité entraîne une consommation, qui entraîne une création d’emploi et donc
l’emploi d’un membre de la communauté. Tout le monde semble vivre heureux dans « le
meilleur des mondes possibles », et si, par hasard, quelque chose vous
tracasse, il suffit de quelques centigrades de soma pour oublier tout ça. Cette drogue démocratisée, et même
imposée par la société, permet d’effacer toute émotion trop forte. Elle permet
de prendre congé, de s’évader dans un monde toute en couleur, en douceur et en
bonheur. Agissant comme un puissant antidépresseur, il est l’instrument ultime
pour stabiliser la société. Pas d’émotions : pas de révolte, pas de révolte :
pas de changement, pas de changement : la stabilité.
Mais voilà,
les centres de conditionnement sont encore majoritairement actionnés par les
humains. Les humains sont faillibles. Il arrive donc parfois qu’un individu
soit mal conditionné. C’est le cas de Bernard Marx. Alpha plus, il appartient à
la caste la plus importante de la société mais n’en a pas la dimension physique.
Surtout, il se questionne, il éprouve des émotions, il a une conscience aiguë
de sa personne en tant qu’individu, contrairement à l’ensemble de ses
congénères. Ses idées, son comportement inquiètent son entourage, ses collègues
de travail, les femmes qu’il fréquente. Fasciné par les « sauvages »,
ceux qui n’ont pas grandi dans la société, il fera la rencontre de John, un
sauvage très particulier.
John a grandi
dans une réserve de sauvages au Mexique. Il n’a jamais connu de la société que ce
que sa mère a bien voulu lui décrire. Cette dernière est une bêta qui s’est
égarée durant un voyage dans la réserve et n’a jamais été retrouvée. Elle a mis
au monde son fils suivant l’ancien procédé de conception vivipare. Honteuse,
elle n’en aime pas moins John, d’un amour ambigu. Elle lui apprend à lire et
lui parle souvent de l’Autre Monde, celui d’où elle vient, qui est mille fois
meilleur que la réserve. Rejeté par les habitants de la réserve parce qu’il est
différent, il va voir sa vie changer lorsqu’il rencontre Bernard et que ce
dernier le ramène avec lui à Londres. Le « Sauvage » va découvrir le
monde dont sa mère lui parlait et le choc sera important. Loin d’apprécier la
société dans laquelle il est considéré comme un monstre de foire, il en
critiquera la futilité et l’absence de raisonnement individuel. Sombrant dans
la folie, il va s’exiler de lui-même pour retrouver la vie simple qu’il connaissait
dans la réserve. Mais là encore, il sera poursuivi par la société qui y voit un
nouveau divertissement.
Le thème du « sauvage » qui découvre la « société
dominante » est abordé par des prédécesseurs d’Aldous Huxley, notamment
Voltaire dans L’Ingénu (1767). Celui de la société parfaite est évoqué
également (dans Gargantua, de
Rabelais en 1534 ; ou L’ile des
esclaves de Marivaux en 1725). Ici, le véritable géni d’Huxley est l’anticipation
extrêmement réaliste qu’il fait à cette époque. En effet, de nos jours, les
technologies se rapprochent de celles qui permettraient de faire vivre la
société peinte dans Le Meilleur des
Mondes (clonage, étude du génome, utilisation des antidépresseurs, anxiolytiques
et autres psychotropes pour « s’échapper »). Notre science s’en
rapproche tellement que ç’en devient inquiétant.
Au final, c’est
une lecture que j’ai beaucoup apprécié, notamment pour le côté anticipation
décrit ci-dessus. Je pense également avoir été plus sensible au contenu grâce à
mon cours de science-fiction qui m’a permis de toucher du doigt un certain
nombre d’éléments propres au genre. Ce livre est un classique et l’on comprend pourquoi.
Attention toutefois, c’est un texte qui a pris de l’âge et dont le style ne
plairait pas forcément à tous.
Malgré son style particulier, ce roman m'a beaucoup plu lors de sa récente relecture. Je l'ai trouvé d'une grande force évocatrice et d'une effrayante modernité.
RépondreSupprimerLa force évocatrice est indéniable. Concernant la modernité, je serai curieux de voir sur quels points tu t'appuie pour faire ce constat.
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